En marge des négociations de la réforme de la formation professionnelle, l’Institut de l’Entreprise organisait le mardi 3 décembre 2013, en ses locaux, une conférence réunissant de grandes personnalités. Au programme de cette matinée, deux débats se sont succédés : « Comment concilier efficacement la protection du travailleur et l’efficacité économique ? » et « Comment réformer vraiment la formation professionnelle ? » avec Jacques Barthélémy, Gilbert Cette, Francis Mer et Jean Kaspar. Nous y étions.
Devant un large auditoire, la discussion très vivante s’est donc articulée autour de ces questions :
- Comment concilier efficacement la protection du travailleur et l’efficacité économique ?
- Comment réformer vraiment la formation professionnelle ?
Intervenants de la matinée d’échange :
- Jacques Barthélemy, avocat-conseil en droit social, cabinet Barthelemy et Gilbert, auteur de l’ouvrage « Refonder le droit social ».
- Gilbert Cette, directeur des études micro-économiques de la Banque de France.
- Francis Mer, Président d’honneur, Safran, ancien ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie.
- Jean Kaspar, consultant en stratégies sociales, JK consultants, ancien secrétaire général de la CFDT.
La première partie de la discussion, « Comment concilier efficacement la protection du travailleur et l’efficacité économique ? » était principalement consacrée aux thèses défendues par Jacques Barthélémy et Gilbert Cette dans leur livre nouvellement édité par la Documentation française : Refonder le droit social. Mieux concilier protection du travailleur et efficacité économique. Les deux auteurs ont ainsi synthétisé leur point de vue, puis Francis Mer et Jean Kaspar, qui avaient chacun au préalable lu l’ouvrage, ont exprimé leurs points d’accords et de désaccords, de façon franche mais toujours conviviale.
Puis, après quelques réactions émanant de l’assistance, le second débat qui nous concerne davantage, « Comment réformer vraiment la formation professionnelle ? », put commencer.
Tout d’abord, Gilbert Cette a rappelé que la formation professionnelle coûte 30 milliards d’euros chaque année, dont 40% sont financés par les entreprises (cf. Le Jaune Budgétaire 2014). Malgré cette somme considérable, il déplore plusieurs problèmes à résoudre :
- une inégalité d’accès à la formation (les personnes les plus employables y ont plus facilement accès),
- une faiblesse de résultats pour les bénéficiaires (un mauvais ROI),
- un grand écart de qualité entre les prestataires de service, qui sont peu évalués, et qui ont souvent été choisis car ils sont proches des OPCA (qui pilotent également les frais de gestion),
- la formation mise en place est le plus souvent guidée par une obligation de moyens financiers (donc de dépenses), et non de moyens humains,
- le rythme de la formation – le plus souvent annuel – ne favorise pas l’investissement
De son côté, Jacques Barthélémy a rappelé que la première loi incluant le droit à la formation date du 16 juillet 1971, suite à l’accord de 1969 sur la formation continue. Selon lui, la future loi doit apporter plusieurs solutions :
- définition des règles de représentativité et de financement des partenaires sociaux,
- établissement d’une règle de certification des organismes de formation,
- application du Code du Travail, qui fait du droit individuel à l’employabilité (donc à la qualification) un droit national, voire européen,
- mise en place, en plus des OPCA, d’un vrai fonds de garantie sociale pour ce droit à la formation.
Puis Francis Mer a insisté sur la nécessité d’investir sur le « capital humain » de l’entreprise, et d’en finir avec la réticence des dirigeants à trop bien former leurs salariés de peur que leurs nouvelles compétences ne profitent plus tard à des entreprises concurrentes… Selon lui, si certains points de la future réforme n’arrivent pas à être tranchés, il reviendra au ministre du Travail de le faire et de prendre les décisions finales.
Enfin, Jean Kaspar a rappelé qu’actuellement seuls 2% des accords dans l’entreprise portent sur la formation professionnelle. Il a également déploré une conception élitiste de la formation encore trop présente en France, où les diplômes sont encore trop déterminants par rapport à l’expérience ou la compétence : « Nous hiérarchisons l’intelligence », a-t-il regretté. Il préconise que chaque salarié reçoive, en plus de formations techniques, une formation de base sur les transformations sociétales, afin de développer leur compétitivité et celle de l’entreprise.
Certaines de ces demandes sont dans les projets d’ANI des différentes parties prenantes à la négociation en cours sur la réforme. Les 3 prochaines réunions doivent aboutir à un texte commun en vue d’une transposition dans un projet de loi. Michel Sapin a déclaré dimanche 1er décembre 2013 que la réforme de la formation professionnelle « sera sur la table du Conseil des ministres au début de l’année prochaine et discutée par les parlementaires en février« , sur BFMTV. Nous vous invitons à retrouver dans ces colonnes les prochaines étapes.
[Le site de L’Institut de l’Entreprise vous propose les interviews de Jean Kaspar, Francis Mer, Jacques Barthélémy et Gilbert Cette : 4 experts vous répondent, 4 vidéos mises en ligne le 12 décembre 2013]
Crédits : DR
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