Qui forme qui dans le monde des organismes de formation? Nous savons que les entreprises ont accru leur participation financière à la formation des salariés au cours des 10 dernières années ; nous savons que le nombre de demandeurs d’emplois formés et d’apprentis a augmenté de façon importante au cours des dernières années ; nous sommes assez bien renseignés sur les achats globaux de formation. Mais y a-t-il une spécialisation par publics, entre les organismes publics et privés, à but lucratif ou non, formateurs individuels ou non ? Au-delà des données habituelles des Jaunes budgétaires, la Dares et le Céreq ont publié ce mois-ci des chiffres nouveaux issus d’enquêtes spécifiques sur le marché de la formation et sur Qualiopi. On y apprend, notamment, que 67% des organismes de formation s’adressent principalement à un public de salariés et d’indépendants en poste. Principaux enseignements.
Sommaire
Un éclairage sur les pratiques et les clients
Le privé lucratif domine le marché
Les actifs en emploi restent la première cible de la formation professionnelle
Les employeurs restent les premiers clients/financeurs de la formation
La moitié des organismes sont certifiés Qualiopi
Un éclairage sur les pratiques et les clients
Le marché de la formation nous est surtout connu par le biais des données des bilans pédagogiques et financiers, exploités par la Dares et publiées chaque année dans le Jaune budgétaire. Pour en savoir davantage, la Dares et le Céreq ont lancé deux enquêtes en 2022-2023. La première, appelée ETOF pour Enquête sur les Transformations de l’Offre de Formation, a recueilli près de 12 000 réponses d’organismes de formation (hors CFA) sur leurs publics, leurs clients, l’évolution de leurs pratiques. La seconde s’intitule ECQ (Enquête sur la Certification Qualiopi), et a été réalisée auprès du même échantillon, dont la moitié à peu près a répondu.
Ces deux études apportent des éclairages nouveaux sur la composition du portefeuille client, les financements et les pratiques des différents types d’organismes de formation. La première présente cependant un inconvénient important : les chiffres portent sur 2021, et l’image nous arrive donc en décalage de 2 ans avec celle que dessine le Jaune budgétaire, dont nous avons pu analyser les chiffres pour 2023 le mois dernier sur ce blog. Les chiffres de l’étude relative à Qualiopi, en revanche, reflètent la situation à l’été 2023, et avaient déjà fait l’objet d’une publication que nous avons commentée sur ce blog.
Le privé lucratif domine le marché
L’enquête ETOF distingue 4 grandes catégories de prestataires, qui ne recouvrent pas tout à fait celles qui sont données dans le Jaune.
- Les organismes privés à but lucratif, eux-mêmes subdivisés en
- Micro-organismes privés à but lucratif (formateurs individuels ou organismes à 1 seul salarié)
- et autres organismes privés (entreprises de formation)
- Les organismes privés à but non lucratif (les associations)
- Les organismes publics et parapublics, qui incluent les organismes de formation des chambres consulaires.
Graphique : Dares
Le secteur privé lucratif représente donc :
- 86% des organismes de formation (56% de formateurs individuels et 30% d’entreprises),
- pour 57% du chiffre d’affaires du secteur
- et 70% des entrées en formation.
Bien sûr, les formateurs individuels représentent une part disproportionnée des effectifs complets, pour un chiffre d’affaires et un nombre de stagiaires beaucoup plus faible. Mais pris ensemble, les organismes privés à but lucratif assurent bien 7 formations sur 10, sur des prestations vraisemblablement moins longues en moyenne, puisque moins chères.
Les organismes publics, en revanche, ne représentent qu’1% des acteurs, pour 10% des entrées en formation et 22% du chiffre d’affaires.
Les actifs en emploi restent la première cible de la formation professionnelle
Cela va sans doute de soi, mais ça va mieux en le disant : la majorité des organismes de formation travaillent principalement pour les actifs en emploi. Une catégorie dans laquelle l’étude inclut les salariés, mais aussi les fonctionnaires, les indépendants et les chefs d’entreprise. 80 % des organismes, toutes catégories confondues, comptent des actifs en emploi parmi leur clientèle, et 67%, soit les 2/3, forment principalement ce public.
Les actifs en emploi, de fait, sont le premier public dans toutes les catégories d’organismes de formation. Aucune catégorie n’est véritablement spécialisée dans les alternants ou les demandeurs d’emploi, même si ces derniers font partie de la clientèle de plus de la moitié des organismes publics. Dans le privé lucratif, environ 7 organismes sur 10 ne voient jamais un demandeur d’emploi.
Graphique : Dares
Les organismes privés sont les plus focalisés sur les actifs en poste: près des 3/4 d’entre eux (or formateurs individuels) forment principalement ces publics. Les structures publiques et parapubliques, prises ensemble, sont les plus diversifiées : 36% se concentrent sur les actifs en emploi, 22% sur les alternants, 16% sur les demandeurs d’emploi. Il n’y a donc pas vraiment de profil d’organisme public dominant.
Chiffres: Dares-Céreq – graphique RHEXIS
L’importance de la dépense globale de formation en faveur des alternants et des demandeurs d’emploi apparaît donc clairement dans ces données, même si 1) peu d’acteurs semblent s’être spécialisés dans des publics et 2) les actifs en poste sont toujours, de loin, les premiers bénéficiaires de la formation.
Les employeurs restent les premiers clients/financeurs de la formation
Les publics formés sont une chose, les clients, qui sont aussi les financeurs, en sont une autre. Les employeurs figurent parmi les clients de 54% des organismes de formation, même si seuls 31% de ceux-ci déclarent se spécialiser dans ce segment de marché. 35% travaillent pour d’autres organismes de formation – qu’il s’agisse de sous-traitance ou de formation de formateurs, peut-on supposer – et 34% directement avec les particuliers. Moins d’un organisme sur 10 se spécialise dans les formations financées par les acteurs publics.
La sous-traitance, au passage, est pratiquée par 23% des organismes de formation, dans 82% des cas pour déléguer l’animation des formations elles-mêmes.
Chiffres: Dares-Céreq – graphique RHEXIS
La part importante des organismes qui forment directement des particuliers reflète sans doute le succès du CPF. Celui-ci concerne aussi bien les salariés que les demandeurs d’emploi. Une étude de la Dares parue le 28 novembre 2024 décompose ainsi la hausse de la dépense de formation en direction des chômeurs ; il s’avère que l’augmentation considérable, en 2021-2022, du nombre d’entrées en formation des demandeurs d’emploi, s’explique intégralement par le décollage du nombre de dossiers financés par le CPF. De fait, selon l’étude Dares-Céreq que nous analysons dans cet article, 1 organisme sur 5 a bénéficié de financements CPF en 2021. On monte à 65% chez les grands prestataires (plus d’un million d’euros de chiffre d’affaires).
La moitié des organismes sont certifiés Qualiopi
Enfin, près d’un organisme de formation sur 2 (49%) bénéficie aujourd’hui de la certification Qualiopi. On monte à près des 3/4 (73%) dans les organismes du privé – hors formateurs individuels, qui ne sont que 31% à être certifiés.
Le premier motif de certification mentionné reste le souhait, tout simplement, d’attester la qualité des formations. Mais 64% mentionnent également l’intérêt de Qualiopi pour bénéficier des financements publics et mutualisés. Les acteurs publics sont sensiblement plus nombreux à mentionner cette motivation (83%).
A l’inverse, les organismes qui ne cherchent pas à se certifier citent comme première raison le fait qu’ils travaillent en sous-traitance pour un autre organisme bénéficiaire de la certification Qualiopi. Une pratique devenue plus difficile depuis l’époque où a été effectuée l’enquête.
L’étude Dares-Céreq dresse un panorama du marché de la formation diversifié mais dominé par la formation des salariés et des autres actifs en poste (même si nous aimerions que les données fassent la différence entre salariés, fonctionnaires et indépendants). Pour faire face à la transformation des compétences, il est essentiel que l’ensemble des actifs, en emploi ou non, bénéficient d’actions de formation. Les entreprises l’ont manifestement compris et fournissent un effort accru dans ce sens. Pour compléter ce portrait du marché, il serait intéressant cependant d’avoir des chiffres relatifs à la part des différents publics dans les entrées en formation, comme le Jaune le faisait auparavant !
Crédit photo : Shutterstock / PeopleImages.com – Yuri A
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