Les entreprises françaises emploient plus souvent une personne dédiée à la formation que la moyenne des entreprises européennes. Elles évaluent davantage leurs besoins en compétences et l’efficacité des formations. Les Français en âge de travailler se forment en moyenne plus souvent que leurs voisins. Autant de résultats publiés récemment dans 2 études, respectivement de la Dares et du Céreq, qui permettent de faire le point sur les spécificités françaises en matière de formation à la veille des élections européennes.
Sommaire :
Des entreprises françaises particulièrement mobilisées sur la formation et les compétences
Focus : les formations en langues
Une participation des adultes à la formation dans la moyenne haute
Des inégalités persistantes
Des pratiques de formation opportunistes
La formation professionnelle des salariés est certainement perfectible en France, mais comment se compare-t-elle aux pratiques de nos voisins ? Il y a quelques mois, nous évoquions le Global Talent Competitiveness Index de l’Institut Descartes, qui plaçait le système de formation continue français à la 3e place sur 134 pays. À l’approche des élections européennes, deux études nous en apprennent davantage sur l’état de la formation en France et sur ses particularités par rapport à ce qui se passe dans les autres pays d’Europe :
- Une note de la Dares, Quel recours à la formation pour les adultes en 2022 ?, parue le 24 avril 2024. Elle utilise les données de l’enquête Formation tout au long de la vie, volet français de l’enquête européenne Adult Education Survey, réalisée tous les 6 ans. Il s’agit là de la vague 2022.
- Un « Bref » du Céreq intitulé Formation professionnelle en entreprise, la France se distingue de ses voisins européens, publié en mars 2024. Les auteurs s’appuient sur les données européennes de l’enquête CVTS (Continuing vocational training survey), réalisée tous les 5 ans, sur une périodicité différente. Il s’agit là de la vague 2020.
Des entreprises françaises particulièrement mobilisées sur la formation et les compétences
Le Céreq a réalisé une cartographie des pratiques des entreprises en matière de stratégie de formation. Sur la plupart des dimensions mesurées, la France arrive première ou parmi les premières des pays européens.
Graphique: Céreq
Ainsi :
- 62% des entreprises françaises ont mis en place un service formation, un responsable formation et/ou un plan de formation, contre 52,5% en moyenne en Europe. C’est un peu plus que l’Allemagne. Seule la Finlande fait mieux. Dans les grandes entreprises, on monte à 96%, mais la pratique reste majoritaire même dans les petites (56%).
- 39% des entreprises françaises évaluent leurs besoins de compétences à venir, contre 27% en moyenne. Elles se concentrent davantage sur les compétences métier (55% contre 43% en Europe).
- Pour répondre à ces besoins de formation, elles ont recours à 90% à la formation des salariés, contre 64% en moyenne en Europe, ainsi qu’à la formation des nouveaux arrivants (62% contre 43%).
Source : Céreq
- Les entreprises françaises pratiquent davantage l’évaluation de la formation et de son impact, à tous les niveaux du modèle de Kirkpatrick : satisfaction des stagiaires (75% contre moins de 30% en Europe), acquisition des compétences (59% vs 29%), accroissement de la performance individuelle (57% vs 28%), accroissement de la performance collective (42% vs 21%).
Source : Céreq
Les réformes de la formation professionnelle de 2014 et 2018, on le sait, cherchaient à diffuser dans les entreprises l’idée que la formation est un investissement, et non une obligation. À en croire ces chiffres, il semble que l’objectif ait été au moins en partie atteint.
Focus : les formations en langues
L’étude fait un focus particulier sur les formations en langues. Les entreprises ne sont que 6% à les mentionner parmi celles qu’elles organisent, que ce soit en France ou en Europe. C’est 3 fois moins que 10 ans plus tôt. Les auteurs de l’étude estiment que la réforme de 2018 pourrait figurer parmi les causes de cette baisse : avec la fin des financements mutualisés pour les entreprises de 50 salariés et plus et la désintermédiation du CPF, les entreprises se seraient concentrées sur les formations les plus « utiles à leur activité ». Le financement des formations en langues serait ainsi passé de la responsabilité de l’entreprise à celle du salarié (via le CPF).
Les données sur le compte professionnel de formation donnent du poids à cette hypothèse, le CPF étant massivement mobilisé pour les formations en langues ; mais cela n’explique pas pourquoi le même phénomène s’observe ailleurs en Europe. L’avènement des traducteurs automatiques n’est sans doute pas étranger à cette évolution. La formation en langues, en tout état de cause, semble être perçue comme moins stratégique par les entreprises, et comme étant essentiellement du ressort des salariés.
Une participation des adultes à la formation dans la moyenne haute
En pratique, cet investissement dans la stratégie de développement de compétences se traduit-elle par un accès plus important à la formation pour les actifs ? Sur la plupart des indicateurs, la France se trouve effectivement dans le peloton de tête, même si l’écart avec les autres pays d’Europe de l’Ouest est moins marqué que pour les données « stratégie de formation ».
L’étude de la Dares compare les taux d’accès à la formation, formelle ou non formelle, des personnes âgées de 25 à 64 ans (en emploi ou non), dans différents pays de l’Union. La formation « non formelle » désigne les actions de formation qui ne conduisent pas à un titre ou à un diplôme : elle est donc à distinguer de la formation informelle. On parle bien d’actions de formation structurées et financées.
En France, 51% des adultes de cette tranche d’âge ont donc suivi une formation en 2022, contre 46% en moyenne en Europe. Les pays du Nord de l’Europe (Scandinavie, Pays-Bas) sont ceux qui affichent les taux les plus élevés (entre 53% et 74%).
Source : Dares
Les cartes de datavisualisation publiées par le Céreq confirment ces ordres de grandeur, avec une France dans la moyenne haute, proche des autres pays d’Europe de l’Ouest, loin devant l’Europe de l’Est et du Sud mais derrière l’Europe du Nord. C’est le cas pour :
- la part d’entreprises formatrices (76% en France, 91,5% en Suède, 18% en Grèce) ;
- le taux d’accès des salariés à la formation continue (47% en France, 50,5% en Suède, 12% en Grèce).
La carte des durées moyennes de formation, en revanche, ne se superpose pas aux autres cartes. En France, la moyenne est de 23 heures par formation, contre 28 en Allemagne, mais 21 en Suède. La Roumanie s’avère un pays qui forme peu (17% de taux d’accès), mais avec des formations plus longues (33 heures). En Espagne, c’est l’inverse (65% de taux d’accès à des formations d’en moyenne 8,5 heures). Derrière, on devine des politiques de formation et de financement très différentes.
Des inégalités persistantes
L’étude de la Dares détaille le recours à la formation des adultes suivant différents paramètres (âge, genre, situation professionnelle, diplôme…). Le périmètre n’est pas exactement le même que pour l’enquête du Céreq, et les chiffres sont un peu différents, mais on reste dans les mêmes ordres de grandeur.
Selon la Dares, en 2022, 47% des Français ont accédé à une formation non initiale à but professionnel ou personnel. On monte à 57% parmi les personnes en emploi. Si l’on se limite aux formations non diplômantes à but professionnel, le chiffre redescend à 49% des personnes en emploi, ce qui est proche du chiffre donné par le Céreq. A noter que l’étude ne permet pas de mesurer strictement le recours des salariés à la formation pour motif professionnel : elle nous renseigne soit sur l’ensemble des formations suivies par les salariés (à finalité professionnelle ou personnelle), soit sur les formations à finalité professionnelle non sanctionnées par un diplôme (« non formelles »). Mais les formations suivies par les salariés peuvent aussi être à finalité professionnelle et formelles (sanctionnées par un diplôme): nous n’avons pas de chiffres sur ce point.
Les publics qui ont le plus besoin de formation sont toujours ceux qui y accèdent le moins : chômeurs (43%), non diplômés (27% des personnes qui n’ont pas le bac), résidents des quartiers prioritaires (31%)… Hommes et femmes, en revanche, se forment dans les mêmes proportions, même si les femmes se forment plus souvent à des fins personnelles et un peu moins que les hommes à des fins professionnelles.
En se limitant aux formations non formelles à but professionnel, on constate là encore que certains publics sont moins favorisés : salariés de TPE (32%), salariés en CDD (34%), ouvriers (33%), employés (39%). À l’inverse, l’accès à la formation professionnelle est plus élevé dans le public (60%), les grandes entreprises (62%), les services financiers (67%), et pour les cadres (68%).
Des pratiques de formation opportunistes
Les deux études montrent des mouvements de progression dans le bon sens, vers un meilleur accès des demandeurs d’emploi à la formation, vers la diversification des pratiques, vers une meilleure participation globale. Pour l’essentiel, ces progressions peuvent être mises en lien avec des politiques de financement définies. Les entreprises et les individus réagissent aux incitations. Quand celles-ci disparaissent, cependant, les comportements tendent à revenir à la situation antérieure.
C’est ainsi que l’étude du Céreq met en lumière une progression considérable du recours à la formation en situation de travail dans les entreprises françaises (et européennes) en 2020. La part des entreprises qui formaient en situation de travail est passée de 23,5% en 2015 à 39% en 2020. Mais dès 2021, le taux était redescendu à 24,5%. Les entreprises ont donc changé leurs méthodes pendant le confinement, avant de revenir à leurs habitudes.
La Dares nous apprend par ailleurs que le taux de chômeurs et d’inactifs qui se forment a augmenté de quelques points entre 2016 et 2022. L’évolution est à mettre en lien avec le Plan d’investissement des compétences et le programme « 1 jeune une solution ». Comme pour l’apprentissage, il semble évident que le maintien de cette progression dépend étroitement de la pérennisation des aides.
Beaucoup reste à faire pour améliorer le développement des compétences des actifs en France, mais force est de constater que les entreprises françaises se mobilisent de façon accrue autour de l’enjeu. C’est particulièrement vrai lorsque l’on compare les pratiques entre pays européens. Bien sûr, l’effort de formation mesuré de façon brute et quantitative ne permet pas de préjuger de l’impact sur la performance. Et beaucoup d’autres facteurs jouent sur l’efficacité des politiques de formation – notamment, la culture managériale, l’innovation technologique, le niveau de formation de base de la population… L’important, pour se mobiliser, reste de se garder des tableaux catastrophistes comme de l’autosatisfaction.
Crédit photo : Shutterstock / kirill_makarov
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