Hervé Boyart est Responsable Talent Performance et Mobilité chez DEXIA. Il a été HR Project Manager et Responsable du développement RH. Il a une expertise de plus de 20 ans dans la fonction RH, dans des postes opérationnels ou corporate, dans différents secteurs d’activités. Il est par ailleurs Coach (formé chez International Mozaïque) et président du CEFOP (association des diplômés du CIFFOP).
Management de la formation : Bonjour Hervé. Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Hervé Boyart : Je suis responsable Talent, Performance et Mobilité pour le groupe bancaire Dexia. J’ai un parcours de généraliste dans la fonction RH, plus orienté « développement » ces dernières années.
Management de la formation : Au cours de votre expérience professionnelle, avez-vous constaté une évolution du concept et de la pratique de « talent management » ?
De nombreux facteurs incitent les entreprises à s’intéresser au développement de leur capital humain et cela depuis de nombreuses années : le terme « guerre des talents » date de la fin des années 90 ! Ce thème est d’ailleurs très souvent cité par les DRH comme l’un des premiers enjeux de leur politique RH. Toutes les entreprises, tous les secteurs sont touchés à des degrés divers. Dans un grand nombre d’entreprises, les pratiques en matière de talent management se sont donc professionnalisées avec la particularité d’être à la croisée de plusieurs domaines RH : recrutement, mobilité, formation, rémunération, hauts potentiels, SIRH… Le rôle du DRH est alors de mettre tous ces domaines en cohérence dans le cadre d’une stratégie globale de gestion des talents.
Management de la formation : Vous citez la gestion des hauts potentiels, quelles différences faites-vous entre « Talents » et « Hauts Potentiels » ?
Ce n’est pas vraiment la question. On peut seulement indiquer qu’il y a une évolution de la terminologie, on parle maintenant de hauts potentiels, d’experts, de personnes clef, etc. Pour moi, la notion de talent est plus large et regroupe ces différents termes. Il s’agit de collaborateurs identifiés soit du fait de compétences spécifiques distinctives ou rares, soit du fait d’un potentiel avéré, soit faisant preuve d’une performance élevée dans la durée ou d’une capacité à gérer des changements importants. Tout le monde n’est pas forcément talentueux.
Management de la formation : Quel est le rôle joué par la formation dans le talent management pour cette population de salarié ?
On constate aujourd’hui que les actions menées par les DRH tournent autour de l’attractivité de l’entreprise, de l’identification de ces hauts potentiels et qu’un nombre croissant d’actions consiste à fidéliser ce type de collaborateurs. Parmi ces actions de fidélisation, la formation est souvent citée comme l’une des premières. Je préférerai d’ailleurs parler d’actions de développement individuel plutôt que de formation, car cela inclus une notion de durée, de pérennité.
Management de la formation : Comment jugez-vous aujourd’hui l’offre de formation et de développement individuel pour les hauts potentiels au regard des enjeux RH que vous évoquez ?
Elle est imparfaite. Mon sentiment est qu’en matière de formation, l’entreprise a parfois tendance à prendre des « programmes » existants, relativement standardisés, voire industrialisés, pour les dédier à ces collaborateurs sans prendre en compte les spécificités de cette population. Le nécessaire « sur mesure » n’est pas au rendez-vous et l’impact s’en trouve fortement amoindri. Autrement dit, l’offre traditionnelle de formation ne répond pas aux enjeux stratégiques des entreprises d’évolution des compétences des HiPo, et ce à 3 niveaux :
- Le timing
- La forme
- Le fond
Management de la formation : C’est-à-dire ? Pouvez-vous nous préciser ces trois points ?
Le timing tout d’abord : les actions de formation « classiques » cadrent assez mal avec l’accompagnement « au fil de l’eau » et sur le terrain d’un collaborateur identifié à qui l’entreprise va demander de prendre très rapidement tel projet ou tel poste.
« Les vagues » de formation management dans les entreprises ne répondent pas toujours aux exigences très opérationnelles et d’urgence auxquelles ce type de collaborateur peut être confronté lors de la prise d’un nouveau poste par exemple.
Le timing est dicté par la situation ou la demande du collaborateur à un instant T et non pas par le « calendrier » formation.
Sur la forme, je pense que l’intégration de modes d’apprentissage plus en lien avec les pratiques communautaires comme les réseaux sociaux permettrait d’augmenter le bénéfice des formations. De plus, dans les grands groupes, on a souvent des équipes éclatées sur différents pays. L’éloignement peut être un handicap important qu’il convient de corriger par des pratiques plus innovantes de Social Learning par exemple.
Management de la formation : Et sur l’inadéquation de fond, quel constat faites-vous et quelles seraient les pistes d’actions ?
Qu’ils soient des spécialistes dans leur domaine ou des managers avertis, ces HiPo ont souvent un niveau d’expertise technique et une formation initiale élevés. Pour avoir conduit de nombreux « development centers », j’ai constaté que les besoins de développement ont souvent trait au management, au « change management », à l’innovation, au savoir être.
Là encore, je pense que la formation « classique » ne répond pas à la demande.
Un exemple me vient à l’esprit : j’ai rencontré une entreprise qui a proposé à ses HiPo de participer à un cercle de réflexion uniquement pour eux sur des sujets de leurs choix et animé par un philosophe. Passé l’effet de surprise (des intéressés et de leurs responsables !) les retours ont été très positifs. Les participants ont apprécié d’être réunis ensemble, dans un cadre externe à l’entreprise, sur des sujets de leur choix animé par un « régulateur » qui n’a aucun enjeu avec eux. La « prise de recul », « l’épanouissement personnel », la liberté de parole, le feed back immédiat, étaient les points positifs cités les plus fréquemment.
Management de la formation : Pour les prochaines années, comment voyez-vous évoluer l’offre de formation pour les hauts potentiels ?
Peut-être plus que dans d’autres domaines RH, la gestion des talents implique des actions innovantes et différenciantes. La formation/développement des collaborateurs n’échappe pas à cette règle.
Elle doit prendre en compte la réalité opérationnelle du collaborateur mais aussi sa propre personne (sa personnalité, son rythme, ses compétences, etc.). Cette gestion individualisée, personnalisée et sur mesure a un coût. Des arbitrages sont donc nécessaires. Elle doit par ailleurs s’intégrer dans une politique globale de gestion des talents au risque de perdre son efficacité.
C’est aussi une nouvelle occasion de remettre le manager au centre de la relation collaborateur-manager. Le développement des collaborateurs deviendrait enfin un critère d’évaluation des pratiques managériales d’un responsable non pas uniquement sur le fait de « parler » développement durant l’entretien annuel, mais de prendre part réellement au développement du collaborateur tout au long de l’année.
C’est finalement une opportunité pour repenser et revisiter nos pratiques RH de formation et de développement.
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