Patrick Storhaye est Président de la société de conseil Flexity. Fondateur de RH Info, il a mené une carrière dans le management des RH. D’abord consultant chez Hay Management et Mercer, il a exercé comme DRH du groupe CPR, Directeur de la fonction RH de Groupama et Directeur de la stratégie RH d’ADP. Il intervient dans de nombreuses conférences et dans les milieux académiques notamment à HEC Executive Education et Toulouse Business School.
La semaine dernière, nous avons diffusé la première partie de l’interview de Patrick Storhaye qui nous présentait une compréhension globale et pédagogique des racines du problème, et a esquissé un socle de valeurs qu’il faudrait réhabiliter pour y répondre.
Voici la suite de cet échange sur les solutions RH à explorer.
Management de la formation : Pour la fonction RH et les pratiques de GRH comment cela se traduit-il ?
Pour faire face au défi qui consiste à identifier ce que sera la panoplie RH capable de combiner productivité et innovation, il faut expérimenter. Il faut explorer des façons de faire différentes, tester des méthodes originales ou généraliser des pratiques sur lesquelles les entreprises sont encore hésitantes. En acceptant bien sûr la possibilité de se tromper.
Le champ des possibles en la matière est large. Il va de ce qui relève de l’organisation du travail – autonomie des acteurs, démocratisation du télétravail, management de la mobiquité, etc. – aux outils les plus concrets de la RH : pédagogie de la rémunération, rééquilibrer le balancier de l’individualisation, élargir les modes d’évaluation au-delà des objectifs en cascade, etc.
Il va peut-être jusqu’au dessin des frontières de la fonction RH, supposée s’engager plus hardiment sur le terrain de l’intelligence collective pour concrétiser le capital dont elle assure le développement, voire même en élargissant le périmètre de cette richesse humaine à l’écosystème de l’entreprise pour devenir une sorte de Direction des Réseaux Humains.
Management de la formation : Et pour les pratiques de formation ?
La formation professionnelle est trop souvent guidée par une visée utilitariste, focalisée sur l’acquisition de méthodes et de techniques. L’attente de retour sur investissement, de préférence le plus immédiat possible, est une attente légitime de l’entreprise dans sa logique d’optimisation emploi/ressources. Mais ceci conduit à concevoir la formation de manière segmentée et cloisonnée, découpée en domaines technico-fonctionnels.
Si cette approche forme efficacement aux techniques, elle ne permet pas de transmettre la perspective dans laquelle ces dernières doivent s’inscrire.
Deux nécessités doivent à mon sens être soulignées :
- plus la complexité des problèmes à résoudre augmente, plus il est nécessaire d’avoir une compréhension globale des propriétés structurantes et des conséquences des solutions qu’on manipule ;
- plus l’organisation favorise un fonctionnement transverse, moins hiérarchique, en mode projet, plus les collaborateurs ont un besoin d’une vision globale, au-delà de leur strict périmètre d’activité.
Il est donc nécessaire de concevoir des formations qui ne visent pas uniquement à rendre les participants capables mais bien de donner des clés aux participants pour qu’ils puissent également façonner leur propre culture professionnelle.
Cette exigence est d’ailleurs d’autant plus essentielle pour les disciplines transverses comme le management ou la gestion des ressources humaines qui appellent par nature une compréhension synthétique de toutes les composantes de l’entreprise, de son activité et de son devenir, c’est-à-dire d’en saisir le sens et l’intelligence.
Dans cette perspective, il nous semble nécessaire de compléter les traditionnels catalogues de formation avec des approches destinées à ne pas enseigner la sophistication des concepts et méthodes mais les liens logiques et transverses qui les unissent.
Ce type de formation, que l’on peut assimiler à de la culture générale des affaires aurait cinq finalités complémentaires :
- relier une pratique professionnelle aux grands mécanismes auxquels elle contribue ;
- comprendre qu’au-delà des techniques et méthodes, interviennent d’autres facteurs qui relèvent de la culture ;
- comprendre intimement les rapports logiques qui unissent les techniques entre elles ;
- comprendre le chemin qui mène de chacune des techniques à la finalité plus large à laquelle elles contribuent ;
- développer les compétences comportementales qui favorisent une mise en œuvre efficace des techniques.
L’entreprise doit réinvestir ce champ de la formation trop souvent délaissé au profit d’apprentissages spécialisés et utilitaristes. Il faut décloisonner et élargir la formation.
Face au double défi de la productivité et de l’innovation, l’entreprise doit pouvoir compter sur l’engagement d’un capital humain même s’il est aujourd’hui démobilisé. L’enjeu qui se dessine est affaire de valeurs et de pratiques RH à explorer. La formation doit y prendre toute sa place.
Lire également la première parte de l’interview de Patrick Storhaye : « Le plaisir d’entreprendre : pour une entreprise humaine et innovante »
Le plaisir d’entreprendre : pour une entreprise humaine et innovante, de Patrick Storhaye, préface de Maurice Thévenet, Editions EMS, octobre 2012.
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